Dans les films, on voit rarement de peintres en train de peindre.
Sans doute est-ce trop lent, la peinture, pour qu’il se passe quelque chose à l’image, comme on dit vulgairement. Et puis, peindre, c’est un peu secret.

On le voit très furtivement : dans le Décameron, la main de Pasolini en peintre (est-ce bien la sienne ?) n’apparaît que deux secondes et demi, et qui plus est, en accéléré !
Dans la Belle Noiseuse de Rivette, le peintre ne peint pas, il dessine.
Dans Andrei Roublev de Tarkovski, on attend en vain que le pauvre moine ne commence son œuvre : on ne verra qu’une projection enragée de peinture sur un mur. Et sera une folle qui peindra, étalant la couleur boueuse de ses mains sales.

Bleu, Pasolini peut-être, 2000, ektachrome

Pour réaliser la pièce Bleu, Pasolini peut-être j'ai photographié image par image la courte séquence d'une "main en train de peindre" dans Le Décameron de Pasolini : 64 images qui seront projetées par 4 projecteurs de diapositives, synchronisés de façon à ce que 2 à 3 images soient toujours projetées en même temps, se fondant les unes aux autres.
Le mouvement n'est plus donné par le défilement, mais par la superposition des images, dans un long ralenti.

Bleu, Pasolini peut-être, 2000
projections ektachromes synchronisées
durée: 2mn env., en boucle

En vis à vis de la projection de Bleu, Pasolini peut-être, la fenêtre bleue de la Chambre jour. Il s'agit de la projection sur une toile de l'image qui fait immédiatement suite à la séquence de "la main-qui-peint", dans le Décameron. Sur la toile cette même image d'une fenêtre est imprimée, mais prise en plan légèrement plus large. Deux images superposées sont visibles, un "zoom élémentaire" figé, où se confondent l'image "fixée" et celle projetée, éphémère.

Chambre jour, 2000
projection ektachrome fixe sur toile
tirage novajet sur toile, 50 x 75 cm